Bilan du week-end de Marine Le Pen : terne et sans surprise. La rentrée politique du Rassemblement national (RN), à Fréjus (Var), n’aura pas été de nature à regonfler à bloc ses militants, à moins de deux ans de la présidentielle et à sept mois des élections régionales et départementales. D’ailleurs, les troupes n’étaient pas invitées à l’université d’été du RN. La faute au Covid, a avancé la direction - même si plus d’un millier de jeunes Les Républicains se sont retrouvés, eux, à Port-Marly (Yvelines) ce week-end.
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Quant aux élus RN - 200 avaient fait le déplacement - il fallait se lever de bonne heure pour en croiser dans la ville de David Rachline, le maire RN de Fréjus, réélu à son poste dès le premier tour des récentes municipales. La plupart d’entre eux sont restés à l’abri du soleil, dans le théâtre du Forum ou dans les salles de réunion d’un grand hôtel donnant sur le port, où ils suivaient des formations sur l’écologie, l’Union européenne ou les mandats locaux. Quelques figures du parti, comme Nicolas Bay, Jordan Bardella ou Thierry Mariani, se sont quand même aventurées de l’autre côté de la rue, pour venir parler sur les chaînes d’info. Un petit apéro, rapide, avec la presse le samedi soir, et tout le monde s’est retrouvé au théâtre, le dimanche à 15 heures, pour le discours de la patronne.
«Été meurtrier»
David Rachline, l’hôte des lieux, prononce au galop quelques mots d’introduction, puis Marine Le Pen embraye pendant trois quarts d’heure sur la sécurité et le plan de relance. Tout le monde chante la Marseillaise , la présidente reçoit un bouquet de fleurs, et puis s’en va - personne n’est monté sur la scène, ça n’a pas duré une heure. Voilà pour l’ambiance.
Sur le fond, Marine Le Pen, qui est candidate depuis longtemps à la prochaine présidentielle, a remouliné à fond les vieilles recettes de son parti. La cheffe du RN s’est efforcée de taper plus fort que tout le monde sur le thème de la sécurité, qui a occupé les trois quarts de son discours. «Disons les choses crûment, pour la France, cet été fut un été meurtrier», commence-t-elle. En vrac, elle énumère les «campagnes anti-flics de militants racialistes», la «délinquance gratuite» et la «vision tribale de bandes violentes engagées dans des guerres de quartiers». Sans oublier les chevaux, victimes de «la violence qui s’étend aux animaux». S’ensuit une longue litanie de faits divers, preuve, selon elle, de la «véritable barbarie qui s’installe». «Avec la barbarie, on ne négocie pas, on la combat», assène Marine Le Pen, qui n’a pas prononcé une seule fois le nom du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
En revanche, le garde des Sceaux en prend pour son grade. «Dupont-Moretti, c’est Taubira en pire», cingle la présidente du RN, devant le parterre d’élus qui se réveille pour huer le ministre de la Justice. «En faisant le choix de Dupont-Moretti, poursuit-elle, le président Macron a fait le choix d’une doctrine pénale qui se préoccupe plus des délinquants que des victimes.» Eric Dupont-Moretti lui a répondu dans la foulée sur Twitter, l’accusant de mentir «éhontément» et d’être «pire que son père». Mais si elle fustige la «société multiculturaliste», la patronne du RN a pris soin de ne pas «confondre les étrangers qui respectent nos lois avec ces voyous». «L’Etat doit assistance et protection à tous, Français ou immigrés, quel qu’en soit le quartier», concède-t-elle. Plus étonnant, elle n’utilise presque pas le mot «ensauvagement», pourtant de son cru, et normalisé par Darmanin. Face au «laxisme» du gouvernement, la fille de Jean-Marie Le Pen brandit le Livre blanc de la sécurité, produit par Jean-Paul Garraud, eurodéputé venu des rangs de l’UMP. Elle égrène quelques propositions, parmi lesquelles «la perpétuité réelle pour les crimes les plus atroces», la réforme de l’ordonnance de 1945 et la possibilité de couper les allocations des parents de mineurs délinquants. Au mot «allocations», l’audience se réveille pour applaudir.
«Valeurs de droite»
Marine Le Pen balaie d’un revers de main les «forces résiduelles que sont devenues La France insoumise et Les Républicains». Seul vrai clivage qui, selon elle, persiste dans la vie politique française : d’un côté, les «mondialistes ou globalistes» d’Emmanuel Macron et, de l’autre, les «localistes» dont elle entend porter le drapeau. «Je vous exhorte à surmonter nos petites querelles et à rejoindre le mouvement», appelle-t-elle, sans dire précisément à qui elle s’adresse.
La veille, lors d’une rencontre avec la presse, la patronne du RN s’est montrée plus claire à ce sujet : «Beaucoup d’électeurs LR partagent notre vision, et ce processus va être accéléré par le macronisme décomplexé de nombreux ténors de droite.» Dans le viseur, bien sûr : le maire LR de Nice, Christian Estrosi, qui a proposé à son camp la semaine dernière de passer un accord avec Emmanuel Macron en vue de 2022. Mais aussi le président LR de la région Paca, Renaud Muselier, suspecté de négocier une double investiture LR-LREM pour les régionales de 2021. Marine Le Pen s’est même engagée à «lever certaines ambiguïtés» sur son programme économique que certains électeurs de droite ont trouvé trop semblable à celui de Jean-Luc Mélenchon en 2017. Elle veut rassurer, ne parle plus du tout de sortir de l’euro, mais cible les TPE et PME, grandes oubliées selon elle du plan de relance d’Emmanuel Macron. «On va parler d’entrepreneuriat et d’artisanat, ce sont des valeurs qui parlent aux Français de droite», traduit un cadre du parti. En revanche, Marine Le Pen continue de s’opposer à la réforme des retraites, interrompue par la crise du Covid-19. «Vous avez noté qu’elle a quand même évolué sur le sujet, relativise un proche. Elle parle de retraite à 60 ans mais avec quarante annuités.»
L’enjeu pour Marine Le Pen est de profiter de la vacance de leadership chez LR, pourtant ragaillardi par son succès aux municipales. Ce faisant, elle cherche aussi à invalider les critiques de Robert Ménard, élu avec l’appui du RN, mais qui dit ne pas croire pour 2022 aux chances de la candidate, déjà deux fois malheureuse. Le maire de Béziers a donné un entretien peu amène à l’égard de Marine Le Pen dans le Point, lui préférant un «candidat mal élevé», hors système. A Fréjus, celle qui se présente comme la seule vraie opposante à Macron a minimisé les attaques de son ancien allié. Mais une candidature «hors système» pourrait lui nuire, en venant mordre sur son électorat. Surtout si le RN continue à donner l’image d’un parti terne, et sans surprise, comme lors de sa rentrée politique, à Fréjus, ce week-end.
September 07, 2020 at 01:36AM
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RN : à Fréjus, Marine Le Pen manque de jus - Libération
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